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L’IFRS 17 pour les actuaires en assurances IARD (2e partie)

Dans ce deuxième épisode d’une série en deux parties, les membres Fellows de l’ICA Sati MacLean et Houston Cheng sont de retour pour discuter de l’examen de la santé financière, des indicateurs de rendement clés et d’autres particularités de l’IFRS 17 auxquels les actuaires en assurances IARD doivent réfléchir avant la fin de l’année. Les épisodes de cette série sont disponibles en anglais seulement.

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Fievoli : Bienvenue à Voir au-delà du risque, le balado de l’Institut canadien des actuaires. Je m’appelle Chris Fievoli et je suis actuaire membre du personnel, communications et affaires publiques à l’ICA.

Voici le deuxième épisode d’une série en deux parties portant sur l’application de l’IFRS 17 aux actuaires en assurances IARD. Dans le premier épisode, nous avons parlé du contrôle de l’état de préparation à la transition et du rôle de l’actuaire désigné. Aujourd’hui, nous allons aborder des sujets comme l’examen de la santé financière et les indicateurs clés de rendement.

Encore une fois, je suis en compagnie des membres de l’ICA : Sati MacLean et Houston Cheng.

Merci d’être des nôtres.

MacLean : Merci, Chris. Je suis ravie d’être de retour.

Cheng : C’est un plaisir pour moi aussi, merci de m’avoir invité.

Fievoli : Eh bien, parlons d’abord de l’examen de la santé financière, l’ESF. Quels changements apporte l’IFRS 17?

Cheng : La nouvelle norme nous a donné vraiment beaucoup de travail. Nous avons mis le processus en branle durant l’été en sachant que nous aurions pas mal de pain sur la planche, et depuis quelques mois, nous travaillons à mettre à jour notre modèle d’ESF.

Nous nous sommes rendu compte qu’il y a quelques éléments difficiles, d’autres, moins, et d’autres aussi que nous devrons simplifier, au moins pour le moment.

Par exemple, quand on veut modéliser le PCR, le passif au titre de la couverture restante, un des aspects les plus difficiles est son degré de granularité beaucoup plus poussé : il comporte bien plus d’éléments et de parties variables qu’avant. Alors que la réserve pour primes non acquises se calcule assez simplement, le PCR est beaucoup plus, je n’irais pas jusqu’à dire « exigeant », mais il reste qu’il nécessite pas mal plus d’efforts.

Et c’est particulièrement le cas en ce qui concerne les contrats déficitaires – s’ils sont vraiment déficitaires. On pourrait comparer le contrat déficitaire visé à l’IFRS 4 au passif au titre des primes.

La modélisation se faisait beaucoup plus simplement avant, alors que désormais, avec le contrat déficitaire, nous avons dû pousser la réflexion plus loin et trouver une façon d’ajouter au modèle un degré de détails qui est suffisant pour le PCR, mais pas nécessairement pour la présentation d’informations financières.

C’est particulièrement le cas quand nous tenons compte des contrats pluriannuels. Alors, pour le moment, il y a certains de ces éléments que nous avons enlevés de l’équation ou pour lesquels nous avons des capacités réduites.

La réassurance est un autre domaine qui nous a donné du fil à retordre dans cette partie de la modélisation, car son traitement est très différent selon qu’on applique l’IFRS 17 au lieu de l’IFRS 4.

Auparavant, notre modèle se fondait sur les chiffres bruts et nets, mais maintenant, nous utilisons les chiffres bruts et les valeurs cédées, tout simplement parce que les contrats de réassurance sont davantage considérés comme des contrats distincts.

En dernier lieu, il faut souligner le travail nécessaire pour le passif au titre des sinistres survenus (PSS). Même si l’évaluation de la provision actualisée pour écarts défavorables (PÉD) peut être convertie en actualisation et que l’ajustement au titre du risque est assez simple – ou vous pouvez le rendre assez simple – il faut néanmoins prendre soin de calculer la répartition entre les charges financières d’assurance et les charges afférentes aux activités d’assurance. Même si, selon moi, cette répartition n’a pas vraiment d’incidence sur le capital, elle constitue un volet important de l’IFRS 17.

Nous avons donc consacré le temps voulu et les ressources nécessaires à la répartition du passif au titre des sinistres survenus entre les charges financières d’assurance et les charges afférentes aux activités d’assurance, ce qui alourdit effectivement pas mal la tâche de travail.

Voilà ce que j’ai à dire sur le sujet, et je te laisse la parole, Sati.

MacLean : Merci, Houston, c’est très intéressant. Le 1er janvier 2023, qui est la date d’entrée en vigueur de l’IFRS 17, arrive à grands pas, et je pense qu’un bon nombre d’organisations ont concentré leurs efforts, comme nous l’avons décrit dans le balado précédent, sur les tâches qu’elles doivent mener à bien dans leur sprint final.

La question que je me pose, c’est de savoir si les ressources sont suffisantes pour effectuer l’ESF conformément à l’IFRS 17. Nombreuses sont les compagnies qui ont établi leurs chiffres pour la transition.

Nous savons qu’il y aura un effet sur le test du capital minimal (TCM), dont la valeur diffère selon que l’IFRS 4 ou l’IFRS 17 est appliquée et, en fait, l’ESF devra être recalibré pour tenir compte du point de départ différent.

Les actuaires, selon moi – ceux qui s’occupent de l’ESF durant la deuxième moitié de l’exercice – pourront vraiment déterminer quel est cet effet sur les cibles internes en 2023, une fois que l’IFRS 17 sera en vigueur.

C’est très intéressant, Houston que tu aies mentionné le degré de détails requis et le fait que ces détails sont beaucoup plus exhaustifs avec l’IFRS 17 qu’avec l’IFRS 4 pour ce qui est de la modélisation de l’ESF.

Avec l’IFRS 17 – j’ai trouvé personnellement que le diable est vraiment dans les détails. Bon nombre de compagnies travaillent à créer des modélisations de l’ESF, et elles doivent réfléchir à la manière d’adapter leur vision actuelle du bilan afin de pouvoir y intégrer les décisions stratégiques fondées sur l’IFRS 17 et tenir compte de leur incidence sur la présentation des informations financières.

Les pro formas du BSIF doivent aussi être intégrés aux modèles d’ESF. Et, malgré la transition, on constate que le TCM d’une entreprise ne change pas beaucoup. Peut-être qu’en simulant des scénarios de crises dans le cadre de l’ESF, les compagnies se rendront compte qu’une crise n’est pas perçue de la même manière selon que les informations financières sont présentées en fonction de l’IFRS 17 ou de l’IFRS 4.

En principe, il ne devrait pas y avoir de différences notables entre les scénarios de crises eux-mêmes, mais les états financiers pourraient être présentés différemment.

Je crois que de nombreux actuaires vont devoir prendre le temps de cerner où se situent les principales différences. Nous n’allons pas tout régler du jour au lendemain, et pour saisir rapidement l’effet de l’IFRS 17 lorsque les modèles d’ESF sont en cours d’élaboration, il sera important de déterminer où se feront sentir ces différences.

Un autre aspect m’a sauté aux yeux en ce qui concerne l’ESF : aurons-nous besoin de contrôles supplémentaires? Je pense tout de suite aux taux d’actualisation, en particulier dans l’environnement actuel, mais la question se poserait aussi en vertu de l’IFRS 4.

Toutefois, avec l’IFRS 17, par exemple, l’effet du taux d’actualisation change-t-il, étant donné que le passif et l’actif, le rendement de l’actif et l’actualisation du passif sont dissociés d’une certaine façon? Et cette dissociation a une incidence sur la méthode choisie pour évaluer le taux d’actualisation qui sert à chiffrer le passif.

Par conséquent, existe-t-il d’autres scénarios de crises à utiliser pour simuler cet effet sur le TCM? Et qu’en est-il des ajustements au titre des risques? C’est là que les ajustements actuels au titre du risque pourraient être très différents des PÉD. Devrons-nous appliquer d’autres contrôles pour faire une vérification de plus de la solidité financière de l’entreprise en fonction des paramètres énoncés dans l’IFRS 17 concernant ces ajustements?

Et finalement, je pense aux membres des conseils d’administration : quelles informations doivent leur être fournies? Selon moi, chaque conseil d’administration se trouvera à un stade différent dans sa compréhension des informations financières présentées en vertu de l’IFRS 17 et de l’ESF. Si vous ajoutez tout ça à l’obligation pour les administrateurs de se familiariser avec la nouvelle présentation des états financiers dictée par l’IFRS 17, il est clair que nous devrons faire plus de formation, surtout si les scénarios de crises montrent que les effets sur le TCM, le test de capital minimal, ne sont plus les mêmes. À ce moment-là, il faudra penser à communiquer et à expliquer.

Pour conclure, je dirai simplement qu’il est évident, à l’aube de l’année 2023, que l’IFRS 17 va évoluer. Il est à souhaiter que ce soit une véritable évolution et non pas un pivot : je sais que nous aimons bien utiliser le mot « pivot » ces temps-ci, mais j’espère que nous n’allons pas pivoter avec l’IFRS 17.

Peu importe ce qui arrive, une évolution ou un pivot, l’ESF et les actuaires qui réalisent les ESF et en communiquent les résultats devront être prêts à suivre le mouvement.

Cheng : Je suis d’accord avec toi, Sati. Je vois effectivement ça comme une évolution à partir de nos modélisations actuelles.

Nous profitons de l’occasion pour améliorer certains éléments de notre modèle. Tu as soulevé un grand nombre de points extrêmement pertinents concernant la modélisation en soi, l’analyse effectuée dans le cadre des contrôles et la communication entre l’actuaire désigné, le conseil d’administration et les dirigeants, pour ce qui est de comprendre la différence entre les IFRS 4 et 17.

Il faut souligner en effet la nécessité de créer des scénarios potentiellement différents, parce que certains peuvent interagir différemment en raison de la dissociation entre l’actualisation et le rendement des investissements. Je trouve que tu as vraiment mis le doigt sur de nombreux éléments pertinents.

Fievoli : Examinons maintenant les indicateurs clés de rendement. L’IFRS 17 va probablement provoquer certains changements. Quels seront ces changements, à votre avis?

MacLean : Certains indicateurs clés de rendement pour l’assurance me viennent tout de suite en tête.

Tout d’abord, quel est le montant de nos ventes, sur nos contrats, nos produits? Ensuite, quel est notre bénéfice : nos ventes sont-elles rentables?

En plus, on a aussi souvent tendance à examiner nos charges : combien devons-nous dépenser pour générer ces occasions d’affaires et faire fonctionner l’entreprise? Souvent les indicateurs clés de rendement servent à effectuer une évaluation à l’interne concernant différents produits.

Certains produits sont-ils plus populaires et dégagent-ils un meilleur profit que d’autres? Nous voulons également pouvoir nous comparer à d’autres secteurs ainsi qu’à d’autres compagnies au sein de notre secteur et sur le marché. Donc, avec l’IFRS 17, qu’est-ce qui change? Les primes.

Au lieu d’utiliser les primes émises et les primes acquises comme données que nous pouvons isoler dans les états financiers, nous allons voir les « produits des activités d’assurance », poste qui se compare à celui des primes acquises.

Pour un grand nombre d’assureurs, le portrait ne sera pas nécessairement très différent de ce qu’il est aujourd’hui, selon moi. Pourrons-nous évaluer notre chiffre d’affaires? Je crois que oui.

Dans les cas des réassureurs, il y aura peut-être une différence en raison du traitement des commissions cédées, qui ne sont plus intégrées aux primes. Celles-ci seront plutôt comptabilisées après déduction des commissions qui sont versées directement à un cédant. Il sera donc très intéressant de voir les répercussions sur le secteur de la réassurance.

Il reste que, globalement nous devrions pouvoir obtenir un portrait des primes et des revenus. Si nous regardons où s’en vont ces primes, nous devons évidemment couvrir des pertes.

Or en vertu de l’IFRS 17, les incidences de l’actualisation et l’ajustement au titre du risque ainsi que la façon dont ils se répercutent sur les états financiers pourraient donner des chiffres différents pour les pertes, les pertes subies étant portées aux résultats.

Les décisions stratégiques d’une entreprise – j’ai déjà parlé de celles qui découleront de l’IFRS 17 – vont donc réellement définir comment ces pertes seront inscrites aux états financiers, comment l’actualisation est faite et si un assureur a utilisé les autres éléments du résultat global pour présenter les changements apportés aux taux d’actualisation.

Lorsqu’on va comparer deux assureurs appliquant une politique différente à cet égard, les pertes pourraient être différentes – même quand le secteur d’activité est le même.

En plus, si un assureur est tenu de comptabiliser ce qui s’apparente à un élément de perte, la manière dont cet élément est présenté dans les états financiers dans les charges engagées au titre de l’assurance, et qu’il est donc inclus dans les résultats, pourrait être bien différente de ce que nous voyons en ce moment avec l’IFRS 4.

Un des paramètres importants dans le secteur des assurances IARD que nous examinons pour évaluer la rentabilité est le ratio combiné opérationnel (RCO). De fait, c’est un ratio qui permet de calculer combien la compagnie a reçu au titre des primes moins ses pertes et charges.

Un RCO inférieur à 100 indique la rentabilité. S’il est plus élevé, nous devons approfondir notre examen, parce que certaines raisons peuvent légitimement justifier un RCO qui dépasse 100. Mais en général, on recherche un RCO de 100 ou moins et, dans certains cas, même beaucoup plus bas que 100, ce qui indiquerait que les profits sont suffisants.

Que va-t-il donc se passer avec le RCO? À mon avis, voilà une question vraiment intéressante pour nous au Canada, voire partout dans le monde.

Comment l’actualisation entrera-t-elle en ligne de compte? À l’heure actuelle, bon nombre d’entreprises s’appuient sur des mesures non actualisées du ratio combiné opérationnel, et l’actualisation prescrite par l’IFRS 17 y sera intégrée.

Comment prendra-t-on en considération l’élément de perte? Compte tenu de l’application de l’IFRS 17, il est possible que votre RCO indique une rentabilité très marquée mais que l’entreprise affiche un passif important dans ses éléments de perte. Quelle conclusion en tirer?

Je crois que des indicateurs clés de rendement seront touchés et que nous devrons prendre le temps d’apprivoiser et de déchiffrer les répercussions de l’IFRS 17, avant de pouvoir élaborer des paramètres à plus long terme ou normalisés.

Houston, toi, qu’en penses-tu?

Cheng : Je discerne un thème, ici, Sati. Nous avons parlé d’évolution et d’ESF, et je crois que cet aspect dont tu parles signale aussi une évolution. Il y aura peut-être une marche à grimper puis une évolution continue.

Tu as parlé de l’intégration de l’actualisation et des indicateurs clés du rendement – je te dirais que bien des entreprises m’ont posé des questions là-dessus.

En matière de gestion interne, la rémunération des courtiers, parfois l’actualisation et, dans une certaine mesure, peut-être même la PÉD, n’ont pas été incluses à l’interne. Mais les compagnies – et la situation sera sans doute différente selon le genre d’entité, qu’on parle de sociétés mutuelles, ouvertes ou peu importe – n’éprouveront pas toutes les mêmes besoins.

Certaines se disent donc, « eh bien, si mes états financiers sont présentés conformément à l’IFRS 17, peut-être qu’on devrait les gérer à l’interne et aussi en fonction de la norme? » Il y aura également des questions sur le degré de détails : à quel point la modélisation sera-t-elle détaillée? Et évidemment, comment intégrons-nous l’actualisation et l’ajustement au titre du risque dans les indicateurs clés de rendement?

Pour ce qui est du degré de détail, de la granularité, certaines questions se posent – les mêmes que pour l’ESF : est-ce qu’il y aura une répartition dans les charges financières? S’agit-il d’un élément qui peut être mesuré et faire l’objet d’un suivi?

Pour ajouter à ton propos, Sati, sur le RCO, bouclons la boucle avec un retour à la question des contrats déficitaires, si ces derniers n’ont pas fait l’objet d’un suivi spécifique aux fins de la constitution d’une réserve ou de l’évaluation. Ces aspects vont continuer d’évoluer, à mon avis, et il y en a d’autres. Je ne crois pas qu’il s’agisse généralement d’un indicateur clé de rendement, même s’il permet de mesurer le capital; alors il faudra probablement revoir les cibles internes, n’est-ce pas?

Certaines compagnies ont déjà révisé leurs capitaux et leurs cibles internes cette année, à en juger d’après les sondages et les mesures internes du BSIF.

Je pense que le message en l’occurrence, c’est que les valeurs repères ont changé. Le calcul du TCM, pour l’ensemble du secteur, après les différents ajustements apportés par le BSIF – reste principalement neutre pour différentes entreprises. Il peut y avoir certaines répercussions vers le haut ou vers le bas.

Alors, comme les repères ont changé, il semble certainement justifié d’examiner les cibles internes. Nous en avons déjà parlé toi et moi, Sati, plus tôt cette semaine, quand nous nous sommes demandé à quoi les entreprises devaient se préparer, et suivant quelles échéances. Devrions-nous être prêts dès le premier trimestre ou bien est-ce un élément que nous devrons prendre en compte dans le cadre de l’ESF du prochain exercice?

On ne peut pas nier qu’il y ait une transition en ce moment. Il sera intéressant d’observer le degré d’efforts et les ressources que les actuaires et les compagnies vont y consacrer.

Je crois que mon dernier point au sujet des indicateurs clés de rendement, et ce point est le thème sous-jacent ici, c’est qu’il faut simplement combler le fossé entre l’IFRS 4 et l’IFRS 17. Quelles sont les conséquences du passage d’une norme à l’autre?

Sati, tu as parlé en détail des changements qui touchent les primes, les sinistres et les éléments connexes.

Je pense que, globalement, c’est là Ie nœud de l’affaire : il y a des éléments que les compagnies, les organismes de réglementation et les dirigeants sont habitués d’évaluer en fonction de l’IFRS 4 et ces éléments, maintenant, ont été soit éliminés, soit modifiés par l’IFRS 17.

Une compagnie doit donc maintenant, au fond, adopter ce nouveau point de vue et, soit examiner ce que font les autres membres de son secteur, soit approfondir la question à l’interne afin de déterminer ce qui est le plus important pour elle.

MacLean : C’est très intéressant – quand tu as parlé des indicateurs clés de rendement, et quand j’ai moi-même abordé la question, je me suis surtout attardée à comparer l’IFRS 17 et l’IFRS 4.

D’autres aspects revêtent aussi un intérêt : il y a par exemple des indicateurs clés de rendement utilisés ailleurs que les compagnies d’assurance n’utilisent pas en ce moment, mais qui sont en train de devenir partie intégrante de la manière dont nous décrivons nos résultats financiers.

Il est certainement possible de procéder à des comparaisons beaucoup plus poussées entre les compagnies d’assurance-vie ou d’assurances IARD, avec les autres sociétés d’assurance, mais créera-t-on de meilleurs éléments de comparaison avec les banques?

Les compagnies d’assurance vont-elles être comparées aux Amazon, Apple et Nike de ce monde? Il sera fascinant de voir si des paramètres supplémentaires seront ajoutés à la façon dont nous décrivons les résultats financiers d’une compagnie d’assurance.

Fievoli : Eh bien, il s’agit certainement d’une nouvelle ère qui commence pour tout le monde, et je me demande quels sont les principaux éléments auxquels doivent prêter attention ceux qui ne sont pas aussi directement impliqués que nous, les actuaires qui s’occupent des évaluations. Quelles seront les répercussions sur eux, même s’ils ne travaillent pas directement dans l’évaluation et la présentation de l’information financière?

Cheng : À mon avis, si un actuaire utilise les états financiers dans ses fonctions, peu importe son rôle, il devra prendre connaissance des changements et connaître les différences entre les IFRS 4 et 17.

Je pense qu’un des éléments clés concerne l’actualisation, qui n’est plus rattachée à l’actif, n’est-ce pas? Ce qui peut influer sur vos politiques et votre stratégie d’investissement.

Les changements apportés au calcul du TCM, ainsi que la séparation des rendements entre l’actif et le passif dans l’état des résultats, pourraient avoir une incidence sur différents aspects des activités de la compagnie.

Par exemple, pour la tarification, comment appliquer désormais le taux d’actualisation? Dans le passé, les compagnies ont utilisé le même taux que pour l’évaluation, mais est-ce encore logique?

Il est temps de revenir à la planche à dessin et de déterminer quel taux d’actualisation est justifié pour la tarification.

Au Canada, je pense qu’un grand nombre de compagnies et d’actuaires – encore une fois, ce sont des actuaires qui ne s’occupent pas d’évaluation; mais pour bien des actuaires, le concept de la PÉD n’a plus de secret, ni les méthodes sous-jacentes et leur application, les trois composantes de la PÉD.

Désormais, les règles ne sont plus connues. Il est impossible de faire des comparaisons à l’échelle du secteur. Avant, dans un même secteur d’activité, l’assurance auto ou l’assurance responsabilité civile, par exemple, nous pouvions calculer une marge assez exacte pour tout le secteur, parce que la même méthode était appliquée depuis longtemps.

Nous savons par contre que, peu importe qu’on parle d’assurances de longue ou de courte durée, de chiffres comparatifs ou de tout autre facteur, les actuaires ont toujours été plus ou moins les meneurs de jeu quand il s’agissait de faire des calculs ou des comparaisons.

Après la transition, ce ne sera plus le cas. À mon avis, alors que les discussions se tenaient auparavant entre dirigeants dans des salles de conférence, des caucus ou des réunions virtuelles, des informations vont maintenant être rendues publiques – au moins pour les premières années qui viennent – par exemple dans les documents déposés auprès des autorités de réglementation. Nous pourrons alors commencer à faire des comparaisons à l’échelle du secteur sur les approches utilisées pour calculer l’ajustement au titre du risque. Il pourra se produire un certain alignement.

Tout dépendra de l’approche que chaque entreprise aura choisie. Il pourrait y avoir des différences selon qu’une compagnie appartient à des Canadiens ou à des intérêts étrangers, ces derniers recevant une certaine orientation des bureaux mondiaux et du siège social au sujet de l’ajustement au titre du risque. Ce sera une autre paire de manches pour les entreprises canadiennes.

Je pense donc qu’il s’agit d’une dimension où, si vous ne connaissez pas bien l’IFRS 17 ou que vous ne vous occupez pas des questions d’évaluation, vous devrez quand même prendre le temps d’apprendre et de comprendre qu’il y aura des différences d’une compagnie à l’autre.

Et en plus, même si vos fonctions d’actuaire ne comportent pas le travail d’évaluation, vous devrez comprendre les différences entre les IFRS 4 et 17 puis vous y adapter.

Je donnerai un autre exemple : si vous êtes habitué à calculer les ratios sinistres-primes à partir de l’état des résultats, les éléments nécessaires ne s’y trouvent plus, techniquement. Que ferez-vous alors? Vous aurez besoin d’un peu de temps pour retrouver votre chemin, vous réorienter à travers tout ça.

MacLean : Oui, Houston, c’est très intéressant ce que tu dis à propos de la réorientation. Selon moi, l’IFRS 17 est fondamentalement une norme comptable. Elle permet d’évaluer le passif à deux points dans le temps.

Pour ce qui est d’expliquer ou de montrer ce qui se passe entre les deux dans l’état des résultats, les fondamentaux sont les mêmes, mais la géographie de l’état des résultats et du bilan est assez différente à certains égards.

Si j’avais un conseil à donner à quiconque ne connaît pas bien l’IFRS 17 et veut la comprendre, c’est de maîtriser la nouvelle terminologie. À partir de là, il sera beaucoup plus facile de percer tous les secrets de la nouvelle norme.

Je me surprends souvent à traduire les notions de l’IFRS 17 en fonction de l’IFRS 4, que je connais et comprends beaucoup mieux, puis je reviens à l’IFRS 17 en me disant : « OK, c’est comme ça que ça s’appelle maintenant. »

On accuse parfois les actuaires de couper un peu trop les cheveux en quatre et de succomber à la paralysie par l’analyse. Selon moi, il y a un risque réel, au fur et à mesure que les résultats de l’application de l’IFRS 17 se concrétisent, que nous ayons à notre disposition une tonne d’informations sur certains points, et beaucoup moins sur d’autres. Nous devrons alors nous y retrouver.

L’ IFRS 17 va nous paraître bizarre, je crois. Il y aura une somme immense de nouvelles informations à assimiler dont nous devrons ensuite tirer un sens. Nous aurons besoin d’un certain temps pour atteindre un état stable et comprendre l’effet de l’application de l’IFRS 17 à l’échelle d’un secteur de même que la position qu’occupent les différentes compagnies.

Vous savez, peu importe que vous soyez un actuaire chargé de l’évaluation, de la modélisation du capital ou de la tarification, si vous comprenez fondamentalement le contexte sectoriel et que vous concevez un produit, vous devez savoir comment ce dernier s’en sort une fois que vous analysez les données financières.

Est-ce que ce produit vous apparaît encore tout à fait rentable, ou pas, ou est-il aussi rentable qu’il doit l’être pour devenir concurrentiel sur le marché?

Comprendre la situation à l’échelle du secteur, les données financières connexes et la manière dont votre entreprise ou votre produit se compare aux autres, c’est un rôle tout aussi fondamental pour un actuaire. Nous examinons les données financières, nous analysons les chiffres et nous aidons les compagnies à comprendre quels sont les effets et les conséquences.

Alors quand on me demande pourquoi l’IFRS 17 est importante pour tous les actuaires, pas seulement pour ceux qui s’occupent de l’évaluation, je réponds que c’est parce qu’elle décrit la présentation des informations financières d’une compagnie d’assurance, et quand les assureurs font concurrence à leurs pairs ou à d’autres secteurs pour attirer des capitaux, ces informations illustrent comment une entité se compare aux autres.

Il est évident que tout ne se limite pas au point de vue financier : il y a d’autres données qui permettent d’évaluer les organisations et d’en faire le suivi, notamment les critères ESG, qui sont très vivement débattus, examinés et analysés ces jours-ci. Cependant, les données financières sont la clé pour décrire à quel point une compagnie d’assurance est rentable ou pas.

Je crois que nous, en tant qu’actuaires, nous connaissons bien les chiffres et nous nous retrouvons dans une bonne position pour aider les hauts dirigeants et d’autres personnes au sein des organisations à comprendre comment lire ces chiffres. Que vous ayez un rôle d’actuaire d’entreprise, que vous vous occupiez du capital ou de la tarification, le fait que vous connaissez et comprenez comment les informations financières de la compagnie d’assurance sont présentées et comment elles peuvent être interprétées constitue, à mon avis, une compétence essentielle en actuariat. Nous devons être en mesure de mettre cette compétence à contribution une fois l’IFRS 17 entrée en vigueur.

En conclusion, je vais renchérir sur les propos de Houston relativement aux pays ou aux régions partout dans le monde qui ont adopté l’IFRS 17 : je pense que nous ne devons pas oublier qu’il s’agit d’une norme presque mondiale qui vise à permettre les comparaisons dans l’ensemble du secteur des assurances, mais qu’elle n’est pas d’application universelle, toutefois. Notamment, les États-Unis ne vont pas adopter l’IFRS 17.

Nous avons mentionné que le diable est dans les détails, mais quand on plonge dans ces détails, il n’est peut-être pas facile de comparer deux assureurs, s’ils n’ont pas choisi les mêmes conventions comptables.

Il sera donc vraiment important pour vous, à mon sens, de comprendre certains de ces paramètres clés ou les décisions fondamentales que les entreprises pourraient prendre et qui pourraient avoir une incidence sur les états financiers, même si vous n’êtes pas la personne qui effectue l’évaluation.

Fievoli : Je sais que vous vouliez parler des nouveaux actuaires et expliquer pourquoi il est important pour eux de s’intéresser à l’IFRS 17. Ce serait bien d’aborder maintenant ce sujet.

MacLean : Je pense, comme je l’ai mentionné, que la capacité de comprendre les données financières puis de les expliquer représente une qualité vraiment importante et fondamentale des actuaires qui nous permet d’évaluer la santé d’une compagnie d’assurance, de la comparer à ses pairs et d’entrevoir les turbulences dans lesquelles l’entreprise ou un produit pourraient se retrouver.

Pour un actuaire qui vient d’accéder à la profession et qui réfléchit à la direction qu’il veut prendre ou aux postes qui lui permettraient d’étendre ses connaissances et son expérience, l’IFRS 17 constitue le plus gros changement de nature comptable depuis bien longtemps à toucher le secteur.

L’IFRS 17 est une nouveauté pour bien des gens, et les nouveaux actuaires sont tout aussi capables d’apprendre à appliquer cette norme et de participer au dialogue dès le début, ce qui n’est pas nécessairement le cas dans des domaines mieux établis. Je pense que la courbe d’apprentissage est abrupte pour tout le monde en ce moment, et les nouveaux venus ne devraient pas être rebutés par le fait qu’ils manquent peut-être d’expérience.

C’est généralisé, à mon avis. L’occasion est belle pour un actuaire de s’impliquer et d’aider les autres membres de l’organisation à maîtriser la nouvelle norme.

Cheng : Voilà une question intéressante, Chris. Nous avons parlé de l’approche imminente de la ligne d’arrivée.

Dans d’autres contextes, que ce soit le colloque des actuaires désignés ou même, je pense, l’act22, nous avons souligné que nous sommes arrivés à la fin de la course – nous sommes passés de six mois puis à trois mois et maintenant à deux mois de l’échéance du 1er janvier 2023.

Dans un grand nombre d’entreprises, les préparatifs ne seront pas terminés ou les processus resteront à peaufiner. J’ai vu des compagnies qui viennent tout juste de s’élancer – je ne sais pas encore si c’est un jogging ou un dernier effort, peu importe, je sais seulement que nous n’avons pas le choix de rejoindre le peloton et de nous rendre jusqu’au bout.

Il y aura toutefois bien des domaines où des améliorations pourront être apportées – dans la manière dont nous travaillons ou dans notre documentation ou encore pour tenter d’améliorer et de rendre les processus plus fluides, à la fois dans notre travail d’actuaire et globalement dans les organisations.

L’IFRS 17 a suscité, selon moi, bon, je ne dirais pas de l’engouement, mais en tout cas énormément d’intérêt. Par conséquent, si l’inconnu ne vous effraie pas, il y a bien du terrain à explorer – différents modèles à construire, différents processus à remanier.

L’occasion est encore là, quoique l’échéance arrive à grands pas. Il y aura des domaines où un nouvel actuaire aura des compétences qu’un actuaire plus expérimenté ne possédera peut-être pas – par exemple savoir comment utiliser certains outils – et il est possible également qu’il entrevoie une meilleure façon de faire les choses.

À mon avis, c’est certainement un aspect où les nouveaux actuaires peuvent contribuer à l’application de l’IFRS 17.

Fievoli : Eh bien, la fin de l’année 2022 est à nos portes… tout comme la fin de notre épisode. Je vais donc conclure en vous posant une question :

Avez-vous pris des résolutions pour la Nouvelle Année relativement à l’IFRS?

Cheng : Dans mon cas, je pense que ma réponse serait une suite logique de la discussion que nous venons d’avoir. Je pense que ce serait bien d’avoir un bouton magique pour déclencher certains éléments.

Je voudrais créer un bouton sur lequel on appuierait afin, par exemple, d’obtenir des actuaires désignés les exigences relativement au BSIF. Ce dernier a formulé un nombre assez important de critères à respecter dans la présentation de diverses informations conformément à l’IFRS 17, et il y a plusieurs tableaux et des données que le BSIF recueille auprès des actuaires désignés. J’aimerais disposer d’un bouton magique sur lequel je pourrais tout simplement appuyer, puis les données seraient extraites ou agrégées automatiquement. C’est d’ailleurs là que l’apport des nouveaux actuaires sera précieux selon moi.

MacLean : Les résolutions du Nouvel An? Ce n’est pas vraiment mon fort… mais je dirais que ma priorité serait de dormir. Le rythme de travail a été extrêmement soutenu, et j’ai besoin d’un peu de repos afin d’avoir l’énergie nécessaire pour terminer la dernière étape et me préparer à la tempête.

Je ne crois pas que nous soyons sortis de la tourmente encore : il nous reste bien du chemin à parcourir, et la suite des événements se déroulera sur toute l’année 2023.

Je retiens une grande leçon de tout ça, et c’est que l’objectif n’est pas d’être parfait. Nous avons droit à l’erreur! Il faut que nous exécutions les volets importants de la bonne façon, et nous ne parviendrons pas nécessairement à tout régler le 1er janvier 2023. Et nous aurons besoin de trouver comment redresser le cap au besoin.

Je dois quand même avouer que je suis fébrile à l’approche de 2023. Je considère que les possibilités sont énormes pour ce qui est de faire avancer l’IFRS 17 et d’aider nos pairs au sein des organisations à comprendre et à déchiffrer la nouvelle norme.

J’ai l’impression que nous approchons du sommet de la montagne, et j’ai vraiment hâte de pouvoir admirer la vue et d’oublier qu’il me faudra ensuite redescendre de l’autre côté.

Cheng : Quelle excellente analogie, Sati!

Laissez-moi ajouter une autre résolution. Le processus entourant l’IFRS 17 aboutira bientôt, c’est vrai, mais je dirais plutôt comme toi : nous ne sommes pas rendus au bout de nos peines et le sommet de la montagne approche.

Par contre, je t’en ai parlé au début de la semaine, et tu l’as mentionné dans une de tes discussions sur l’ESG. Je pense que ce sujet-là, l’ESG, va dépasser l’IFRS 17 et qu’à mon sens, la nouvelle norme est juste en fait une répétition générale.

La montagne était très élevée pour le secteur des assurances, mais je crois que la prochaine aventure qui se dessine dans tous les secteurs, c’est celle de l’ESG. Je pense que l’IFRS 17 nous a munis d’un bon nombre d’outils et de processus, qu’elle a mis à l’épreuve les actuaires et les compagnies d’assurance en les obligeant à adopter une nouvelle norme de présentation de l’information financière. Selon moi, nous ferons face à un tout nouveau défi durant les années à venir.

Fievoli : Voilà de sages paroles! Merci encore une fois d’avoir bavardé avec nous aujourd’hui et d’avoir participé à cette minisérie.

MacLean : Merci, Chris.

Cheng : Merci, Chris.

Fievoli : Notre série de balados, qui existe depuis trois ans, compte maintenant plus de 150 épisodes. Nous vous invitons à vous y abonner. Vous pouvez le faire sur la plateforme que vous utilisez habituellement pour accéder à des balados.

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Je m’appelle Chris Fievoli et je vous remercie d’avoir écouté cet épisode de la série Voir au-delà du risque. À bientôt!

Cette transcription a été révisée par souci de clarté.

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