François : Bonjour et bienvenue à un épisode spécial des balados Voir au-delà du risque de l’Institut canadien des actuaires. Je m’appelle François Cloutier et je suis vice-président des relations à la direction de la recherche de l’ICA. Si vous êtes intéressé par ce qui touche les régimes de retraite, ou encore leur méthode de calcul. Que vous soyez des experts, des initiés ou non, alors vous serez intéressés par l’épisode d’aujourd’hui. Car aujourd’hui, j’ai avec moi José Legault, Fellow de l’Institut canadien des actuaires. Donc, actuaire, mais aussi membre du groupe désigné responsable de la révision de la norme. Bonjour José.
José : Bonjour François.
François : Donc, merci de te joindre à nous pour ce balado. On va discuter des changements à venir dans les normes actuarielles qui régissent les calculs des valeurs actualisées des rentes. Donc, encore une fois, merci de te joindre à nous José. Est-ce que tu peux nous expliquer qu’est-ce que c’est qu’une valeur actualisée? Puis aussi, dans quelles circonstances est-ce que la valeur actualisée peut être payée?
José : Oui, la valeur actualisée c’est un montant forfaitaire, premièrement, qui représente la valeur économique d’une rente qui est payable d’un régime de retraite. On pourrait également dire que c’est la valeur qui vise à représenter un montant raisonnable que le marché attribuerait à la rente.
Dans certaines circonstances, un participant à un régime de retraite peut avoir le choix de recevoir soit sa rente ou la valeur actualisée de cette rente. Et parfois, le participant peut ne pas avoir d’autre choix que de recevoir la valeur actualisée de la rente. Par exemple, si un participant quitte son emploi et n’est pas assez vieux pour commencer à recevoir sa rente, les lois canadiennes sur les régimes de retraite exigent que l’option de valeur actualisée soit offerte.
Certains régimes de retraite offrent également cette option même si le participant est admissible à recevoir sa rente. Si le participant choisit l’option de la valeur, alors le montant forfaitaire est généralement transféré dans un compte de retraite immobilisé. Si cette option n’est pas choisie, à ce moment-là, la rente est étayable plus tard, lorsque le participant devient admissible à la retraite.
La valeur actualisée peut également être payée au conjoint ou bénéficiaire lors du décès d’un participant actif à un régime de retraite. Et finalement, le dernier exemple que j’aimerais mentionner c’est celui d’une terminaison de régime. Dans cette situation, les participants, autres que les retraités, ont l’option de recevoir une valeur actualisée et, dans certains cas, c’est la seule option qui est disponible.
François : Merci de cette mise en bouche. On voit que c’est quand même varié, les raisons pour lesquelles on peut recevoir la valeur actualisée d’un régime de retraite. Est-ce que maintenant, José, tu peux nous expliquer c’est quoi les principaux changements qui sont apportés au Canada en lien avec le mode de calcul de la valeur actualisée?
José : Oui. Premièrement, j’aimerais ça mentionner qu’il y a plusieurs hypothèses actuarielles qui sont utilisées pour le calcul de la valeur actualisée. Par exemple, les payements de rente futurs doivent être, premièrement, actualisés en date de la date de calcul avec une hypothèse de taux d’intérêt. On doit également établir l’âge prévu du participant pour le début du versement de la rente. Et aussi déterminer l’espérance de vie du participant pour établir pendant combien de temps on prévoit que la rente sera payable.
Pour les régimes de retraite à prestation déterminée traditionnels, qu’on surnomme les régimes PD, deux changements importants ont été faits aux hypothèses actuarielles à utiliser pour le calcul des valeurs actualisées. Le premier changement est relié à l’hypothèse de taux d’intérêt. Puis, le deuxième changement est relié à l’hypothèse faite sur l’âge auquel la rente est prévue commencer.
Pour ce qui est du taux d’intérêt, l’hypothèse actuelle est basée sur les taux de rendement et les obligations du gouvernement du Canada sont applicables à la date de calcul auquel un pourcentage de rendement fixe est ajouté. Selon le nouveau mode de calcul, le pourcentage fixe est remplacé par un pourcentage qui va être variable et qui est établi en fonction des taux d’intérêt sur les obligations provinciales et de société à la date de calcul. Ce changement permet de mieux arrimer l’hypothèse de taux d’intérêt avec les variations de taux sur le marché.
Pour ce qui est de l’hypothèse faite sur l’âge auquel la rente est prévue commencer, l’approche actuelle est d’utiliser l’âge qui produit la valeur actualisée la plus élevée. Selon le nouveau mode de calcul, cet âge continue d’être utilisé, mais avec une probabilité de 50 % seulement. Une probabilité de 50 % est également supposée pour l’âge auquel le participant est admissible à une pleine rente sans réduction. Cet âge n’est pas nécessairement le même âge que celui qui produit la valeur actualisée la plus élevée. Ce changement a été fait pour tenir compte du fait que ce n’est pas dans 100 % des cas que les anciens participants à un régime de retraite commencent à recevoir leur rente à l’âge qui maximise la valeur actualisée. Dans les faits, cet âge varie beaucoup et plusieurs facteurs influencent l’âge auquel un ancien participant décide de recevoir sa rente.
Comme je l’ai mentionné, les changements dont je viens de parler s’appliquent au régime de retraite PD traditionnel. Pour les arrangements qu’on appelle « à prestation cible », la nouvelle norme prévoit maintenant un mode de calcul très différent. Dans ces types de régimes, la rente des participants actifs et des retraités peut être réduite sous certaines conditions lorsque le régime est en cours d’existence. Selon la nouvelle norme, la valeur actualisée d’une rente qui provient d’un arrangement à prestation cible sera maintenant établie en fonction des hypothèses actuarielles qui sont utilisées pour le financement du régime. Présentement, les mêmes hypothèses étaient utilisées que pour les régimes PD traditionnels.
Je pense que ceci résume bien les changements importants qui ont été apportés à la norme sur les valeurs actualisées. Il y a eu plusieurs autres changements, mais ils sont généralement beaucoup moins importants que ceux dont je viens de parler.
François : Ok et qu’est-ce qui explique que l’Institut canadien des actuaires apporte ces changements aux calculs des normes au Canada?
José : Le mode de calcul de la valeur actualisée fait partie des normes de pratique qui sont applicables aux régimes de retraite et qui ont été adoptées par l’Institut canadien des actuaires. Ces normes sont revues périodiquement et les nouvelles normes sur le calcul de la valeur actualisée sont en fait le résultat de la dernière revue qui s’est terminée récemment.
François : Ok. Donc, c’est revu de façon périodique afin de s’assurer que les différentes méthodes de calcul des normes respectent l’évolution du marché puis tout ça?
José : Effectivement.
François : En règle générale, quel est l’effet attendu sur ces valeurs actualisées?
José : Premièrement, c’est important de comprendre que l’effet des changements va varier selon l’individu, car l’effet va dépendre de plusieurs facteurs. Par exemple, deux individus qui ont des âges très différents pourraient avoir un impact très différent sur leur valeur actualisée, même si par ailleurs tous les autres éléments de leur profil ou de leur rente de retraite sont identiques.
Un autre facteur important est comment les taux d’intérêt vont évoluer. Comme je l’ai mentionné tantôt, pour les régimes de retraite PD traditionnels, chaque composante du taux d’intérêt utilisé pour calculer la valeur actualisée va maintenant être complètement variable et fluctuer selon les variations sur le marché. Donc l’effet peut être positif ou négatif sur la valeur actualisée selon l’évolution des taux. Dans certains cas, les changements pourraient avoir aucun effet ou un effet minime. Dans d’autres cas, l’impact pourrait être très matériel. Et bien entendu, il y aura beaucoup de situations qui vont être entre ces deux pôles. Si on s’attarde premièrement aux régimes PD traditionnels, basés sur les taux d’intérêt qu’on voit présentement ou dans une période récente, le taux utilisé pour calculer les valeurs actualisées sera plus élevé avec le nouveau mode de calcul. Il produirait donc une valeur plus basse que sur le mode de calcul actuel. Mais ceci pourrait être différent dans le futur selon l’évolution des taux d’intérêt. Quand on regarde dans le passé, il y a eu des périodes où les nouveaux modes de calcul auraient produit des valeurs plus élevées. L’autre changement important que j’ai mentionné tantôt, est l’hypothèse faite sur l’âge auquel la rente est prévue commencer. Ce changement va soit avoir aucun impact sur la valeur actualisée ou réduire la valeur. Ceci va dépendre de facteurs tels que l’âge et le service du participant qui quitte son emploi. Il va aussi dépendre des règles particulières de retraite anticipée du régime de retraite du participant.
Si on s’attarde maintenant aux arrangements à prestation cible, le changement dans le mode de calcul pourrait réduire de façon matérielle les valeurs actualisées. Par contre, il est important de noter que dans certaines provinces, la loi prescrit déjà une méthode de calcul qui est différente des normes actuarielles. Donc pour beaucoup d’individus qui participent dans des arrangements à prestation cible, les changements aux normes actuarielles auront aucun impact puisque la méthode de calcul de la loi a préséance sur le mode de calcul prescrit par les normes actuarielles. Comme tu vois, François, ce n’est pas simple et l’effet des changements sur la valeur actualisée va dépendre grandement des circonstances particulières de l’individu.
François : En fait, effectivement, ça peut être complexe, mais, José, tu nous résumes ça de façon très claire. Merci de ce bon résumé. Question additionnelle pour toi, est-ce que, en fait pour un retraité qui reçoit actuellement un payement de rente, est-ce que ça va apporter quelque chose sur son paiement?
José : Non puisque les retraités actuels ont déjà commencé à recevoir leur rente, la valeur actualisée n’est pas une option qui leur est généralement offerte. Même en cas de terminaison de régime, l’approche couramment utilisée est d’acheter une rente auprès d’une compagnie d’assurance pour que les retraités continuent de recevoir leur rente.
François : Ces changements vont affecter tous les participants au Canada, c’est bien ça?
José : Oui, c’est bien le cas. Ces changements peuvent potentiellement affecter tous les individus qui participent à un régime de retraite, soit que le régime soit enregistré dans une province canadienne ou enregistré au fédéral.
François : Ok et ça va rentrer en vigueur à quelle date, ces changements-là?
José : Le changement est prévu s’appliquer à compter du 1er décembre 2020. Par contre, pour les arrangements à prestation cible dont j’ai mentionné l’existence tantôt, les administrateurs de ces régimes ont l’option d’utiliser le nouveau mode de calcul avant le 1er décembre.
François : Puis si jamais nos auditeurs du balado veulent s’adresser à quelqu’un ou ont des questions quant à une situation personnelle ou spécifique, à qui est-ce qu’ils doivent s’adresser?
José : Si vous êtes un participant à un régime de retraite, je suggère que vous parliez en premier à l’administrateur du régime qui devrait être en mesure de répondre à vos questions ou du moins vous diriger vers la meilleure source d’information qui sera pertinente dans le contexte de votre régime de retraite. Si vous êtes dans la situation où vous devez choisir entre votre rente et la valeur actualisée de cette rente, je suggère également que vous vous adressiez à un conseiller financier ou une personne compétente auquel vous avez confiance pour bien comprendre les implications, car il y a plusieurs éléments à considérer dans une telle décision. Finalement, si vous êtes un administrateur de régime de retraite et que vous avez des questions, je suggère de vous adresser à l’actuaire du régime bien entendu. Tous les actuaires dans le domaine des régimes de retraite ont été informés des changements par l’Institut canadien des actuaires.
François : Excellent, merci de ces informations. Est-ce que, José, il y avait d’autres choses que tu voulais porter à notre attention?
José : Non, c’est tout pour moi. Je pense que ça fait bien le tour de la question.
François : À mon nom et au nom de tous les auditeurs, merci beaucoup, José, d’avoir pris le temps de partager ces informations-là avec nous aujourd’hui.
José : Ça me fait plaisir, merci.
François : Encore une fois, je m’appelle François Cloutier et merci d’avoir écouté cet épisode spécial de Voir au-delà du risque.